Le bois de la Grille Noire :
La flore observée dans le bois de la Grille noire est
caractéristique d’une forêt ancienne.
Qu’est-ce qu’une forêt ancienne ?
Une forêt ancienne peut se définir comme un ensemble boisé
qui n’a pas connu de défrichement depuis 200 ans (pas de temps variable suivant
les auteurs de 150 à 400 ans…).
Cette ancienneté n’est pas relative à l’âge des arbres qui
composent le peuplement forestier, mais à la présence continue d’arbres. Une
forêt ancienne peut être constituée de jeunes peuplements comme de peuplements
âgés ou d’une mosaïque des différents stades de la sylvigénèse, pour autant que
la continuité de l’état boisé ait persisté jusqu’à nos jours.
Que cette forêt ait été plus ou moins exploitée entre
temps n’entre pas en ligne de compte, mais pourra par contre affecter sa
naturalité en fonction de son degré d’anthropisation (gestion, utilisation,
fréquentation…).
L’ancienneté de l’état boisé est une composante de la
naturalité qui se définit davantage par un gradient d’évolution naturelle
(caractère « sauvage ») d’une forêt dans toutes ses composantes,
qu’elle soit récente ou ancienne.
La distinction de ces deux notions prend toute sa
signification dans la composition du cortège floristique forestier.
Quels que soient ses caractéristiques et son passé, une
forêt ancienne abrite un ensemble de plantes spécifiques de la continuité de
l’état boisé. Ceci peut être une garantie d’un bon fonctionnement et une bonne
résilience de l’écosystème forestier.
Les particularités des plantes des forêts anciennes :
- un mode de vie pérenne ou vivace, difficilement
délogeable une fois installée,
- une reproduction de type végétatif par stolons, rhizomes
ou bulbilles,
- une reproduction sexuée peu développée produisant peu de
graines, souvent grosses et lourdes,
- une faible persistance des graines dans les sols
forestiers,
- une capacité très réduite à coloniser de nouveaux
milieux en raison d’un vecteur de dispersion peu efficace sur de longues
distances (fourmis, gravité),
- une faible vitesse de déplacement des populations dans
le paysage,
- une préférence pour l’ombre, mais une tolérance à la
pleine lumière,
- une intolérance aux modifications du sol induites par
l’agriculture (labour).
Les plantes indicatrices des forêts anciennes, par ordre
alphabétique des noms latins :
Acer campestre L., Érable champêtre, Acéracées ou
Sapindacées
Acer pseudoplatanus L., Érable sycomore, Acéracées ou
Sapindacées
Allium ursinum L., Ail des ours, Liliacées ou Alliacées
Anemone nemorosa L., Anémone des bois, Renonculacées
Les anémones sont irritantes à l’état frais. Sèches elles
sont inoffensives.
Comme la plupart des Renonculacées, les anémones
renferment un hétéroside de lactone, le renonculoside, libérant une substance
vésicante et dangereuse, la protoanémonine, qui est détruite au cours du
séchage de la plante.
Carex sylvatica Huds., Laîche des bois, Cypéracées
devant des pieds de Muguet :
Convallaria majalis L., Muguet, Liliacées ou Asparagacées
Le Muguet élabore des hétérosides cardiotoxiques,
concentrés surtout au niveau des fleurs et des graines, ainsi que des
saponosides dans les fruits. Il s’avère que ces hétérosides sont peu absorbés
au niveau de la muqueuse intestinale, ce qui fait qu’il n’y a guère
d’intoxications graves. Une surveillance s’impose malgré tout. Le risque
essentiel reste la présence de fruits dans les jardins, vestiges des clochettes
non cueillies, susceptibles d’attirer les enfants.
devant un pied de Digitale pourpre:
devant un pied de Digitale pourpre:
Digitalis purpurea L., Digitale pourpre, Scrophulariacées
La plante entière est très toxique par la présence
d’hétérosides à visée cardiaque, les cardénolides ou digitoxosides. Si ces
principes sont effectivement utilisés en thérapeutique, ils deviennent
rapidement toxiques.
Les symptômes de l’empoisonnement sont typiques. Après des
troubles digestifs, on observe une phase d’anxiété et surtout des troubles
cardiaques : forte bradycardie, fibrillation, tachycardie ventriculaire
extrasystole, la mort pouvant survenir par syncope cardiaque.
Risque de confusion : les accidents demeurent
exceptionnels avec la plante. Toutefois, en 1999, une intoxication a été
signalée en France à la suite de la confusion entre des feuilles de Consoude
récoltées comme salade et de Digitale pourpre, et qui a nécessité plusieurs
jours d’hospitalisation. D’autres confusions ont eu lieu avec des feuilles de
Bourrache destinées à préparer des tisanes.
Symphytum officinale L., Consoude officinale, Boraginacées
Le meilleur critère de distinction est le toucher des
feuilles : il est velouté et très doux chez la Digitale pourpre, et
particulièrement rêche chez la Consoude et la Bourrache.
Dryopteris filix-mas (L.) Schott, Fougère mâle,
Dryopteridacées
Cette plante, comme d’autres fougères, est plus ou moins
toxique. On ne l’emploiera donc pas en automédication.
Par contre, elle est fréquemment récoltée par les
laboratoires pharmaceutiques, car irremplaçable en tant qu’anti-parasitaire
végétal, notamment contre le ténia. Les Anciens, comme Pline ou Dioscoride, la
signalaient déjà pour cet usage.
L’extrait de fougère mâle, produit résineux obtenu à
l’aide de l’alcool, constitue ainsi – aujourd’hui encore – la base de plusieurs
préparations vétérinaires antiparasitaires.
Hyacinthoides non scripta (L.) Chouard ex Rothm., Jacinthe
des bois, Liliacées ou Hyacinthacées
Lamium galeobdolon (L.) L., Lamier jaune, Lamiacées
Mercurialis perennis L., Mercuriale vivace,
Euphorbiacées :
pied mâle
pied femelle
La Mercuriale vivace est une plante dioïque, ce qui
signifie les individus sont strictement monosexués, ou monogames, c'est-à-dire
que chaque pied ne porte que des fleurs soit mâles (staminées), soit femelles
(pistillées).
Polygonatum multiflorum (L.) All., Sceau de Salomon
multiflore, Liliacées ou Convallariacées
Les fruits du Sceau-de-Salomon sont riches en saponosides
toxiques, leur saveur sucrée est cependant plutôt repoussante. Par ailleurs, le
rhizome et les feuilles contiennent de l’oxalate de calcium cristallisé sous
forme d’aiguilles (raphides), conférant des propriétés irritantes sur la peau
et les muqueuses.
Pteridium aquilinum (L.) Kuhn,
Fougère Aigle, Dennstaedtiacées
Toute la plante est toxique lorsqu'elle est jeune, car
elle contient des hétérosides cyanogènes.
Par ailleurs, la Fougère-aigle élabore une thiaminase,
responsable de la dégradation de la thiamine (vitamine B1). L’effet toxique se
manifeste chez les animaux dépendant d’un apport exogène en vitamine B1, comme
le cheval : on observe alors l’incoordination des mouvements, des contractions
musculaires involontaires, voire des convulsions et des arythmies.
Enfin, un sesquiterpène, le ptaliquoside, provoque des
hémorragies et hématuries (présence de sang dans les urines) chez les bovins
(c’est le ptéridisme ou hématidrose), et montre une action cancérigène chez
l’Homme (cancer de l’œsophage et de l’estomac). Ce principe est cependant
détruit à la chaleur.
Pour ces diverses raisons, il n’est guère raisonnable de
proposer la Fougère-aigle comme plante comestible, même si elle a pu être
consommée historiquement en Europe et si elle est toujours proposée _ après
certaines préparations_ en Asie.
Ranunculus auricomus L., Renoncule tête-d'or,
Renonculacées
Sanicula europaea L., Sanicle d'Europe, Apiacées
(feuille de gauche sur la photo)
La Sanicle d’Europe contient des combinaisons de saponines
favorisant l’expectoration.
Elle est administrée pour les catarrhes des voies
respiratoires, comme gargarisme et autrefois également comme hémostatique
gastrique et vulnéraire.
Dès le Moyen-Âge, les herbiers confirment que cette plante
était considérée comme remède à de nombreuses maladies (du latin : sanare
= guérir, soigner).
Source : Les plantes et l’ancienneté de l’état
boisé, Edition Centre National de la Propriété Forestière, Paris, 2013
Les autres plantes du bois, par ordre alphabétique des
noms latins :
devant des pieds de Bugle rampante :
Ajuga reptans L., Bugle rampante, Lamiacées
devant un pied de Cerfeuil sauvage :
Anthriscus sylvestris (L.) Hoffm., Cerfeuil sauvage,
Apiacées :
Les feuilles sont 2-3 fois pennatiséquées, à segments
ultimes lancéolés, aigus.
Les ombelles comportent 8 à 15 rayons, portant chacun une
ombellule.
Il n’y a pas de bractées à la base de l’ombelle.
C’est un critère déterminant qui permet notamment de
distinguer le Cerfeuil sauvage de la Grande ciguë (Conium maculatum L.), dont
les ombelles ont des bractées. L’autre critère est l’apparence de la tige et la
présence ou non de bractées à la base des ombellules (voir plus loin).
Sur cette photo, on voit clairement les bractées
ovales-lancéolées des ombellules.
Les ombellules de la Grande ciguë n’ont pas de bractées.
La tige du Cerfeuil sauvage est creuse, ramifiée,
cannelée, vert uni.
La tige de la Grande ciguë est tachée de rouge dans le
bas. Son nom latin « maculatum » est une référence à ces taches.
Explications sur le système reproducteur du Gouet tacheté :
Arum maculatum L., Gouet tacheté, Aracées
De la rosette, surgit au mois de mai une inflorescence
formée d'un spadice charnu odorant enveloppé par une spathe en forme de flamme.
spadice charnu odorant enveloppé par une spathe en forme
de flamme
Un renflement à la base de la spathe, appelé chambre
florale, forme à floraison un piège à insectes. Attirés par les odeurs exhalées
par le spadice, ils tombent à l'intérieur de cette chambre.
Sur le spadice, des poils les empêchent de ressortir par
le haut, les parois internes de la spathe sont glissantes et laissent exsuder
un liquide nourricier. Les fleurs femelles à la base du spadice s'ouvrent en
premier et sont donc fécondées par les petites mouches du genre Psychoda
porteuses de pollen provenant d'autres plantes. Le deuxième jour, ce sont les
fleurs mâles qui libèrent leur pollen, après quoi l'intérieur de la spathe
s'assèche, les poils se relâchent et les Psychoda peuvent s'échapper, emportant
le pollen vers d'autres plantes. Ce phénomène ne dépasse pas 72 heures.
l’appareil reproducteur, avec de bas en haut : les
fleurs femelles, les fleurs mâles, les poils, le spadice
détail de l’appareil reproducteur
Ne subsiste plus tard dans la saison que l'axe du spadice
portant un épi de baies rouges familièrement appelées « raisins de serpent ».
Les baies et les feuilles contiennent de l'oxalate de calcium; elles sont
toxiques.
l'axe du spadice portant un épi de baies rouges
La diffusion des odeurs par le spadice est facilitée par
un important dégagement de chaleur produit au niveau des mitochondries par un
phénomène métabolique nommé thermogenèse. Les tissus de l'Arum maculatum
produisent jusqu'à 400 mW g-1 alors qu'un colibri en vol ne produit que 240 mW
g-1. Les deux zones de plus grande activité métabolique sont l'extrémité du
spadice (l'appendice) et la zone des fleurs mâles.
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Arum_maculatum
Bidens frondosa L., Bident à fruits noirs, Astéracées
Le Bident à fruits noirs est considéré comme une espèce
invasive.
Source :
Atlas de la flore sauvage du département du Val-de-Marne,
Fabrice Perriat, Sébastien Filoche et Jacques Moret, Éditions Biotope,
publications scientifiques du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris,
Mèze, Paris, 2009
Un pied de Lierre terrestre permet de donner les
caractéristiques des lamiacées : leur tige est généralement quadrangulaire,
la lèvre inférieure est particulièrement développée, ce qui a donné son nom à
la famille, anciennement appelée Labiacée, de labrum, lèvre en latin.
Glechoma hederacea L., Lierre terrestre, Lamiacées
devant un parterre de Ficaires fausse-renoncule:
Ranunculus ficaria L., Ficaire fausse-renoncule,
Renonculacées
Utilisations alimentaires :
Les jeunes feuilles peuvent être ajoutées crues aux
salades composées. Elles sont à peine âcres, alors que celles de ses cousines,
renoncules ou boutons d’or, sont beaucoup trop irritantes pour pouvoir être
utilisées. Plus âgée, la ficaire peut être cuite à l’eau pour éliminer son
âcreté, puis préparée de diverses manières. C’est un légume qui n’est pas
désagréable. Quelques fleurs peuvent décorer la salade.
Composition :
Comme de nombreuses Renonculacées, la ficaire renferme une
substance âcre, la protoanémonine, formée à la lumière. Le séchage la
transforme en anémonine, qui n’est pas irritante.
propriétés médicinales :
La ficaire était autrefois considérée comme remède
spécifique des hémorroïdes, sous forme d’onguent ou de compresses à appliquer
et d’une décoction à ingurgiter. D’après la médecine des signatures,
l’indication de cet emploi était donné par la forme des racines, qui
effectivement ressemblent un peu à des hémorroïdes.
toxicité :
Une salade entière de feuilles de ficaire vertes et crues
serait irritante, voire même dangereuse. Mais utilisée avec modération, et
mélangée avec d’autres végétaux si on l’emploie crue, la plante est
inoffensive.
Lonicera periclymenum L., Chèvrefeuille des bois,
Caprifoliacées
Les baies de Chèvrefeuilles, quelle en soit l’espèce, sont
soupçonnées d’avoir provoqué des intoxications, mais en fait non rigoureusement
vérifiées. Sans doute les troubles ne sont-ils que d’ordre digestif, car les
baies contiennent effectivement des saponosides.
Parmi les autres chèvrefeuilles-lianes, mentionnons :
souvent introduit dans les jardins, Lonicera caprifolium L. qui se
distingue par ses feuilles toutes soudées entre elles par leur base et,
caractéristiques du pourtour méditerranéen, Lonicera implexa Aiton et Lonicera
etrusca Santi., ces derniers à fleurs plus rougeâtres. Quelques autres
espèces sont arbustives.
Mespilus germanica L., Néflier, Rosacées ou Malacées
Le feuillage du Néflier est très doux ! :
Moehringia trinervia (L.) Clairv.,
Méringie trinerviée, Caryophyllacées
devant un Laurier-cerise:
Prunus laurocerasus L., Laurier-cerise, Rosacées ou
Amygdalacées
Les feuilles et les graines (ou amandes) du Laurier-cerise
contiennent des hétérosides cyanogènes, mais ceux-ci ne sont libérés que par
lésion de ces éléments. Se produit alors une hydrolyse enzymatique qui va
libérer d’une part du glucose, du benzaldéhyde qui est responsable de cette
odeur aromatique dite d’« amande amère », d’autre part de l’acide
cyanhydrique qui est un poison violent.
Les feuilles de Laurier-cerise ont pu servir pour parfumer
des desserts, mais des accidents sont survenus en particulier chez des enfants.
Mieux vaut donc s’abstenir.
Quant aux fruits, ils ne sont pas toxiques par eux-mêmes,
mais les graines qu’ils renferment sont riches en ces principes vénéneux.
Heureusement, leur saveur est peu agréable.
Ribes sanguineum Pursh., Groseillier à fleurs,
Grossulariacées
Le Groseillier à fleurs est un arbuste horticole, il est
cultivé dans les jardins à des fins ornementales. Un oiseau aura déposé là une
graine, après avoir ingurgité sa baie…
devant des pieds de Tussilage en fleurs :
Tussilago farfara L., Tussilage, Pas d'âne, Astéracées
Les fleurs et les jeunes feuilles du Tussilage renferment
énormément de mucilages, c’est pourquoi on les préconise depuis l’Antiquité
comme remède contre la toux et l’enrouement (du latin tussis, « toux »).
Malheureusement, elles contiennent également des alcaloïdes de pyrrolizidine et
ne se prêtent donc pas à une utilisation régulière. Des cultures sans
alcaloïdes permettent néanmoins aujourd’hui l’utilisation médicale de cette
plante. Le Tussilage est anti-inflammatoire, il existe même des cigarettes de
Tussilage contre l’asthme.
devant des pieds de Véronique petit-chêne:
Veronica chamaedrys L., Véronique petit-chêne,
Scrophulariacées ou Plantaginacées
Sources :
Guide Delachaux des plantes par la couleur, 1150 fleurs,
graminées, arbres et arbustes, Dr Thomas Schauer, Claus
Caspari, Éditions Delachaux et Niestlé, Les guides du naturaliste, Paris, 2007
Guide des plantes toxiques et allergisantes, Michel
Botineau, collection Les guides des… Fous de Nature !, Editions Belin 2011
Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques,
François Couplan et Eva Styner, Éditions Delachaux et Niestlé, Les guides du
naturaliste, Paris, 2007
Les plantes sauvages, connaître, cueillir, utiliser,
Thierry Thévenin, Éditions Lucien Souny, 2012
350 plantes médicinales, docteur Wolfgang
Hensel, Éditions Delachaux et Niestlé, Paris 2008, réimpression 2010
Mais c'est magnifique tout cela !
RépondreSupprimerOn ne pouvait espérer mieux de la "maîtresse" des Petites Herbes pour cette première promenade dont on gardera tous un excellent souvenir, en dehors du compte-rendu bien détaillé, et merci au photographe !
En attendant déjà la prochaine ballade, pour d'autres découvertes, rendez-vous donc le dimanche 18 mai...
Marie Christine Penet
Fondatrice des Herbes Sauvages – Orsay
Bonjour Marie-Christine, pour information, vous pouvez trouver de nombreuses activités à faire avec les plantes dans mes livres : La vannerie avec des plantes sauvages (Éditions Ulmer), 50 activités à faire avec les végétaux (Éditions Vigot) et 45 plantes sauvages à récolter et déguster (Éditions Jouvence). Je vous souhaite une bonne lecture !
SupprimerMagnifique et complet comme d'habitude !
RépondreSupprimerune admiratrice
Madeline